Coop Communs : coopérer plus pour s'alimenter mieux
Cette jeune société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), située dans le sud-est parisien, porte un projet pour un monde plus juste et durable : une sécurité sociale de l’alimentation. Que se cache-t-il derrière Coop Communs ? Quelle est leur vision ? Et comment traduire la sécurité sociale dans le domaine alimentaire ? Loïc Bronnec, designer de formation, aujourd’hui co-fondateur de Coop Communs nous explique ce projet !
A l’origine, une vision politique
Le métier d’origine de Loïc Bronnec le porte à concevoir le beau (au sens large du terme) en donnant une forme, et du sens aux choses. Donner du sens, c’est se poser la question du pourquoi. Par son métier, il questionne les usages, les finalités et les modèles économiques. Il se rapproche alors de problématiques de services publics et d’intérêt général. En croisant un supermarché coopératif et participatif, Les grains de sel, dans le 13ème arrondissement de Paris, c’est le déclic ! Un terrain d'expérimentation d’autres modèles économiques et politiques, une histoire différente, autre que celle que l’on nous enseigne généralement. Avec des sociétaires du supermarché, en s’appuyant sur les défis de cette expérience, ils s'emparent de travaux de chercheurs en histoire contemporaine, économie, sociologie et particulièrement ceux de Bernard Friot autour du travail et de la sécurité sociale. Une conviction germe : « nous sommes totalement exclus des mécanismes de décision politique et économistes, la démocratie n’est qu’illusoire ». Il trouve ainsi dans cette forme d’ESS la proposition d’une économie alternative, plus juste, plus écologique et plus démocratique. Ce que l’économie dominante ne propose pas. La porte d’entrée, reste l’alimentation, à la fois sujet fédérateur et besoin essentiel, Coop Communs voit le jour.
Coop Communs, qu’est-ce que c’est ?
La SCIC s’est ancrée territorialement. Dans un bassin de vie, le sud-est parisien, le champ d'action de Coop Communs couvre le 13ème et 14ème arrondissements de Paris et le territoire de l’établissement public territorial (EPT) 12 Grand-Orly Seine Bièvre, communauté de 24 communes. Inspirée par la Bellevilloise de 1877, elle s'est investie d'une mission; transférer le pouvoir de production économique entre les mains des citoyens sous forme d'écosystème de communs. Pour ça, Coop Communs s’est donnée un objectif : « créer les conditions de coopération et de convivialité pour mettre en place un écosystème coopératif œuvrant dans une dynamique de transformation macroéconomique de notre société, à travers une mise en sécurité sociale des besoins essentiels de la vie ». Pour faire court, créer les conditions économiques pour rendre possible l'élargissement de notre système de sécurité sociale. (pour rappel, il possède 5 "branches" actuellement), en commençant par l'alimentation.
Mais alors, qu’est-ce qu’une sécurité sociale de l’alimentation (SSA) ? Celle-ci part d’un constat : l’alimentation est un besoin humain essentiel, au même titre que la santé,nous avons donc besoin de pouvoir la garantir à toutes et tous, sans la réduire à une préoccupation individuelle. Aujourd’hui, le système alimentaire ne le permet pas, et les problèmes d’accès à une alimentation saine mais aussi de production durable se multiplient.
Concrètement, en s’inspirant du modèle du régime général de la sécu tel qu'il a existé en 1946 et 1967 ( en auto-gestion par les citoyens), une carte vitale de l’alimentation donnerait accès, chez des acteurs conventionnés, à des aliments pour un montant estimé à 150 euros par mois et par personne. Pour cela, trois piliers essentiels, issus des travaux de Bernard Friot et repris dans le socle commun du collectif national pour une SSA dont la coopérative est membre :
- L’universalité de l'accès pour produire un droit ;
- Un conventionnement des distributeurs et produits accessibles organisé démocratiquement ;
- Un financement par cotisation basée sur la valeur ajoutée produite par l’activité économique.
Au service de ce projet-vision, l’incubateur de territoire comme se décrit Coop Communs s'est donné un rôle principal : développer et coordonner les ressources immatérielles du territoire. Par le pôle territorial de coopération économique (PTCE), elle œuvre donc pour la confiance nécessaire à la coopération et la mobilisation des acteurs locaux autour de communs. Par la formation et la coopérative d’activité et d’emploi (CAE), elle œuvre pour les compétences nécessaires à la production et l’innovation. Par l’incubateur et le conseil, elle œuvre pour la pertinence de propositions inscrites dans une redirection écologique et sociale. Par des tiers-lieux alimentaires, elle œuvre pour la santé et la convivialité.
Se structurer, pour pouvoir coopérer
En parallèle des choix politiques de la raison d'être, comment se structurer ? Pas d'hésitation pour Loïc et les autres co-fondateurs. « Nous voulons une structure à but non lucratif et une gouvernance démocratique pour que toutes les parties prenantes soient représentées ». Leur enjeu : être un acteur économique autonome par son capital, pour avoir un impact économique réel et résilient. Coop Communs se structure ainsi en SCIC. Si les organisations ont l’habitude de se développer autour de leur objet, la SCIC se pense d’abord autour d’un écosystème.
C’est pourquoi Coop Communs s’est constituée en pôle territorial de coopération économique (PTCE) et construit des alliances au sein de la Scic Les PTCE Français, du Collectif national pour une sécurité sociale de l’alimentation ou encore du Club Terre d'EFC Île-de-France (Economie de la fonctionnalité et de la coopération). Loïc voit dans ces collaborations le socle de son action : « expérimenter et innover en connectant les compétences à une échelle locale reliée aux autres territoires par des réseaux apprenants ». C’est ce que permet le PTCE.
Le projet de Coop Communs se base ainsi sur quatre axes stratégiques interdépendants : travail, monnaie, terre et territoire. C’est ce qui irrigue l’ensemble des écosystème coopératif territorial et c’est aussi la base de l’économie. En effet, cet écosystème développé par le PTCE s’articule autour de différents programmes et espaces de rencontre : un supermarché coopératif (qui n'a malheureusement pas survécu à la crise sanitaire), la Maison de l’écologie urbaine et pratique (MEUP), restaurant coopératif et composteur collectif, une ressourcerie, une plateforme de formation, etc.
C’est un terrain d’expérimentation qui permet d’ouvrir le projet au plus grand nombre. Dans ce cadre, Coop Communs a formulé un programme de R&D territoriale sur trois ans. Loïc est aligné: « un de mes combats, c’est d’assurer et assumer la dimension d’innovation sociale et écologique d'une ESS pleinement démocratique, porté majoritairement aujourd’hui par du bénévolat ou du salariat sous valorisé. Ce programme a justement vocation à sécuriser l'innovation territoriale et les coopérations, ouvrant le projet à celles et ceux qui partagent notre vision". À bon entendeur...
En savoir plus :
- Découvrez les trois épisodes de la série de podcast Faire Eco sur la résilience alimentaire
- Retrouvez l’étude du Labo de l’ESS « Agir contre la précarité alimentaire en favorisant l’accès de tou.te.s à une alimentation de qualité »
- Parcourez le site du Collectif pour une sécurité sociale de l'alimentation
- Parcourez l’ouvrage de Nicolas Da Silva, préfacé par Bernard Friot « La bataille de la sécu »
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