Pour un PTCE de l’agroécologie et de l’écologie sur le Pays-de-France
Depuis une dizaine d’années, le nord de Paris est au centre de nombreux désaccords. Quand certain·e·s visent l’artificialisation des terres du triangle de Gonesse, d’autres souhaitent mettre en place une agriculture vivrière. Pour comprendre les enjeux de ce territoire, le Labo de l’ESS s’est entretenu avec Dominique Picard, présidente de CARMA, une association porteuse du pôle territorial de coopération économique (PTCE) du Pays-de-France. Leur ambition ? Engager une véritable transition sur le territoire en créant un système local d’économie circulaire basé sur l’agroécologie et la transition écologique.
Des terres convoitées
Tous les ans, l’artificialisation des sols et la bétonisation grignotent un peu plus sur les terres agricoles. Et celles du Triangle de Gonesse n’échappent pas à la règle. Situées entre les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et Le Bourget, à deux pas de Paris, elles représentent pourtant 670 hectares de terres fertiles ! Après l'abandon du projet de construction d’un mégacomplexe commercial sur ce territoire, Europacity, c’est le projet de la future gare de la ligne de métro 17 du Grand Paris qui divise les Franciliens. Mais depuis quelques années, des collectifs tels que CARMA et le PTCE du Pays-de-France s’engagent et militent pour proposer une alternative à ces grands projets d’urbanisation.
Une ambition agricole, rurale et métropolitaine d’avenir
À l’origine, l’idée de CARMA (Coopération pour une ambition rurale métropolitaine et agricole) est d’élaborer un projet d’aménagement spécifique au Triangle de Gonesse. L’équipe, composée de bénévoles issus de différents domaines (urbanistes, agronomes, paysagistes, architectes, sociologues, etc.), d’habitant·e·s du pays de France et de l’ensemble de la région, veulent proposer une alternative à l’agriculture intensive et à l’artificialisation des sols. En basant leur réflexion sur la résilience du territoire, le projet se veut au service des habitant·e·s et consiste notamment à diversifier les cultures agricoles. Il s’appuie de fait sur les perspectives d’une agriculture péri-urbaine et urbaine, et de la création d’activités liées à la transition écologique.
Rassembler les acteur.rice.s dans une démarche de coopération
Rapidement, l’idée de créer un système local d’économie circulaire apparaît. Dominique Picard nous explique, « c’est un projet de territoire, pour le territoire et ses habitants ». Le périmètre d’action prévu initialement sur le Triangle de Gonesse est repensé et élargi sur le Pays-de-France, un vaste territoire au Nord de Paris, entre la Seine-Saint-Denis, la Seine-et-Marne et le Val d’Oise. À la fois rural et urbain, il conjugue défis sociaux et environnementaux. L’objectif du collectif est de s’en saisir et d’initier une réelle coopération entre les acteur.ice.s du territoire. C’est dans cette logique que l’idée de créer un PTCE émerge !
Puis en 2021, tout s’accélère. Le secrétariat d’État à l’Économie Sociale, Solidaire et Responsable annonce et lance officiellement l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) permanent « PTCE émergence ». CARMA y voit alors l’occasion de gagner en visibilité tout en s’affirmant comme porteur du PTCE du Pays-de-France. Le projet intéresse, et au total, 31 structures se rassemblent pour constituer le PTCE. Acteur.ice.s de l’agriculture, de la restauration, de la formation, de l’énergie, du recyclage, distributeurs, associations citoyennes ou encore experts de la transition agro-écologique : tous·tes partagent la volonté de coopérer dans un cadre démocratique et participatif, de s’entraider et de mutualiser leurs moyens.
Quatre chantiers de coopération prioritaires
Le Val-d’Oise est l’un des départements les plus concernés par la pauvreté. C’est pourquoi le PTCE du Pays-de-France souhaite lancer un chantier autour de la lutte contre la précarité alimentaire et l’accessibilité pour tou.tes à une alimentation de qualité. Un beau projet va d’ailleurs bientôt voir le jour : le PTCE vient d’obtenir un financement de la Fondation Crédit Coopératif pour mener une recherche-action sur cette thématique en collaboration avec des organismes de recherche en matière agronomique. La prochaine étape ? Pouvoir travailler directement en lien avec les Projets alimentaires territoriaux (PAT) du Conseil départemental de Seine Saint Denis (93) et de la Communauté d’agglomération de Roissy Pays de France (95) en tant que force opérationnelle.
À terme, le PTCE souhaite également s’ancrer sur le territoire par la création d’un « hub de la transition agro-écologique » autour de la diversification agricole. Lieu de démonstration d’une économie plus résiliente, on y trouverait une ferme pédagogique, d’insertion, de production et d’apprentissage, pour le maraîchage, l’horticulture, de petit élevage, mais aussi de l’arboriculture, à côté de la production céréalière (Gonesse a longtemps été réputée pour son pain qui nourrissait la capitale) mise au service de l’alimentation locale. Cet espace ressource serait idéal pour sensibiliser au mieux manger, à la lutte contre le gaspillage alimentaire et au recyclage.
Mais l’ambition du PTCE ne se limite pas à la sensibilisation : il travaille sur l’offre et la demande de formation du territoire à travers un campus des métiers de la transition agroécologique et écologique. Les pratiques agricoles évoluent et les métiers qui en découlent aussi ! Pour la présidente du PTCE, « la formation et l’accompagnement sont des conditions nécessaires pour la réussite du projet ».
Le dernier chantier de coopération prioritaire, c’est l’innovation en économie circulaire. D’une part, via la mise en place d’un incubateur de la transition destiné aux porteur·ses de projets, d’autre part via le développement des circuits courts et des emplois accessibles et non-délocalisables.
Il y a quelques jours, la dynamique du PTCE du Pays-de-France a été consolidée par la création d’une association propre dont la gouvernance sera assurée par les acteurs du PTCE engagés dans cette démarche collective. Elle devra animer les coopérations, susciter les mutualisations et poursuivre son ancrage et son déploiement sur le territoire. Une initiative à suivre de près…
Rédaction : Pauline Le Guennec